Pape François :
Foi et Vérité, Magazine « Les derniers temps », Mars-Avril 2016
Pape François :
Foi et Vérité
Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez
pas (cf. Is 7,
9).
La version grecque de la Bible hébraïque, la
traduction
des Septante faite à Alexandrie
d’Égypte, traduisait ainsi
les paroles du prophète Isaïe
au roi Achaz. La question de
la connaissance de la vérité
était mise de cette manière au
coeur de la foi. Toutefois, dans le texte hébraïque, nous
lisons autre chose. Là, le prophète dit au roi : « Si vous ne
croyez pas, vous ne pourrez pas tenir ».
Il y a ici un jeu de paroles fait avec deux
formes du verbe ’amàn:
« vous croyez » (ta’aminu), et « vous pourrez tenir » (ta’amenu).
Effrayé par la puissance de ses
ennemis, le roi cherche la
sécurité que peut lui donner
une alliance avec le grand
empire d’Assyrie. Le prophète, alors, l’invite à s’appuyer
seulement sur le vrai rocher qui ne vacille pas, le Dieu d’Israël.
Puisque Dieu est fiable, il est
raisonnable d’avoir foi
en lui, de construire sa propre
sécurité sur sa Parole.
C’est lui le Dieu qu’Isaïe appellera plus
loin, par deux fois, « le
Dieu de
l’Amen » (Cf. Is 65, 16), fondement inébranlable
de fidélité à l’alliance.
On pourrait penser que la
version
grecque de la Bible, en
traduisant « tenir ferme » par
« comprendre », ait opéré un changement profond du texte,
en passant de la notion biblique de confiance en Dieu à
la notion grecque de compréhension. Pourtant, cette traduction,
qui acceptait certainement le
dialogue avec la
culture hellénique, ne
méconnaissait pas la dynamique
profonde du texte hébraïque. La
fermeté promise par Isaïe
au roi passe, en effet, par la
compréhension de l’agir de
Dieu et de l’unité qu’il donne
à la vie de l’homme et à l’histoire
du peuple. Le prophète exhorte à comprendre les
voies du Seigneur, en trouvant dans la fidélité de Dieu le
dessein de sagesse qui gouverne les siècles. Saint Augustin
a exprimé la synthèse du « fait de comprendre » et du
« fait d’être ferme » dans ses Confessions, quand il parle
de la vérité, à laquelle l’on peut se fier afin de pouvoir rester
debout : «
(…) en vous, [Seigneur], dans votre
vérité
(…) je serai ferme et stable ». À partir du contexte, nous
savons que saint Augustin veut
indiquer comment cette
vérité fiable de Dieu est sa présence
fidèle dans l’histoire,
sa capacité de tenir ensemble
les temps, en réunissant la
dispersion des jours de
l’homme, comme cela émerge
dans la Bible.
Lu sous cet angle, le texte d’Isaïe porte à une conclusion :
l’homme a besoin de connaissance, il a besoin de vérité,
car sans elle, il ne se maintient pas, il n’avance pas. La foi,
sans la vérité, ne sauve pas, ne rend pas sûrs nos pas. Elle
reste un beau conte, la projection de nos désirs de bon-
bonheur,
quelque chose qui nous satisfait seulement dans la
mesure où nous voulons nous
leurrer. Ou bien elle se réduit à
un beau sentiment, qui console et réchauffe, mais qui reste lié
à nos états d’âme, à la
variabilité des temps, incapable de soutenir
une marche constante dans notre
vie. Si la foi était ainsi,
le roi Achaz aurait eu raison
de ne pas miser la vie et la sécurité
de son royaume sur une émotion. Par son lien
intrinsèque avec
la vérité, la foi est capable d’offrir une lumière nouvelle, supérieure
aux calculs du roi, parce qu’elle voit plus loin, parce
qu’elle comprend l’agir de Dieu, fidèle à son alliance et à ses
promesses.
Justement à cause de la crise de la vérité dans laquelle nous
vivons, il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de rappeler
la connexion de la foi avec la vérité.
Dans la culture contemporaine, on tend souvent à accepter
comme vérité seulement la vérité de la technologie :
est vrai ce que l’homme réussit à
construire et à mesurer grâce à sa science, vrai parce que cela
fonctionne, rendant ainsi la vie plus confortable et plus aisée.
Cette vérité semble aujourd’hui l’unique vérité certaine, l’unique
qui puisse être partagée avec les autres, l’unique sur laquelle
on peut discuter et dans laquelle on peut s’engager ensemble.
D’autre part, il y aurait ensuite les vérités de chacun, qui
consistent dans le fait d’être authentiques face à ce que chacun
ressent dans son intériorité, vérités valables seulement pour
l’individu et qui ne peuvent pas être proposées aux autres avec
la prétention de servir le bien commun.
La grande vérité, la
vérité qui explique l’ensemble de la vie personnelle et sociale,
est regardée avec suspicion. N’a-t-elle pas été peut-être — on
se le demande — la vérité
voulue par les grands totalitarismes
du siècle dernier, une vérité
qui imposait sa conception globale
pour écraser l’histoire
concrète de chacun ? Il reste alors
seulement
un relativisme dans lequel la question sur la vérité de la
totalité, qui au fond est aussi une question sur Dieu, n’intéresse
plus. Il est logique, dans cette perspective, que l’on veuille éliminer
la connexion de la religion avec la vérité, car ce lien serait
la racine du fanatisme, qui cherche à écraser celui qui ne
partage pas la même croyance.
Nous pouvons parler, à ce
sujet, d’un grand oubli dans notre monde contemporain.
La question sur la vérité est, en effet, une question de mémoire, de
mémoire profonde, car elle s’adresse à ce qui nous précède et,
de cette manière, elle peut réussir à nous unir au-delà de notre
« moi » petit et limité.
C’est une question sur l’origine du tout, à la lumière de laquelle on peut
voir la destination et ainsi aussi le sens de la route commune.
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Magazine « Les
derniers temps », Mars-Avril 2016
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