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« La pauvreté ne faiblit pas en France »
ARTICLE | 22/11/2016 | Numéro 2028 | Par Hugues Lefèvre
EXCLUSIF MAG – Le rapport publié le 17 novembre montre que le nombre de familles pauvres continue d’augmenter. Pour inverser la tendance, l’association appelle à stopper la stigmatisation des plus précaires.
Neuf millions de pauvres en France. Parmi eux, la moitié sont des enfants et des jeunes. Sur ces neuf millions, le Secours catholique a aidé un million et demi de personnes précaires en 2015. « On reçoit probablement les plus pauvres parmi les pauvres », estime Bernard Thibaud, son secrétaire général. Comparé à l’année précédente, il s’agit pour l’association d’une augmentation de 2,7 %. « La moyenne des niveaux de vie des personnes que nous recevons est de 530 € par mois, soit presque la moitié du seuil de pauvreté, qui est de 1 008 €. »
Dans ce rapport annuel sur la pauvreté en France, le Secours catholique constate une précarisation croissante des familles, et notamment des familles monoparentales. Aussi, apprend-on que près de 70 % du public accueilli est au chômage. L’association note par ailleurs que le niveau d’éducation des personnes pauvres est de plus en plus élevé. En 2015, 45 % des personnes accueillies avaient fait des études secondaires, et 16 % avaient un niveau supérieur. « Normalement, plus le niveau d’études est élevé, plus on est protégé de la pauvreté. Mais on voit que cela n’est pas toujours vrai », relève Bernard Thibaud.
Autre information surprenante : 38 % des personnes éligibles au RSA socle ne le réclament pas. Et 46 % des étrangers en règle hors Union européenne qui pourraient en bénéficier n’en font pas la demande. « Ces non-recours au RSA sont, en termes d’économie, très largement supérieurs à toutes les fraudes sociales qu’on peut imaginer », glisse Bernard Thibaud, qui liste les différentes raisons pour lesquelles ces personnes n’engagent pas les démarches.
D’abord, les « méandres administratifs » et les réelles difficultés à remplir les dossiers. Ensuite, la désertification des services publics en milieu rural et dans les territoires urbains touchés par la pauvreté, ainsi que la dématérialisation de certains dispositifs sociaux, entraînent une forme de déshumanisation de l’aide sociale. Les personnes très isolées ont dès lors plus de mal à accéder à leurs droits.
« La stigmatisation est délétère ! »
Il y a aussi la honte d’avouer ne pas savoir lire ou écrire, le sentiment d’être pointé du doigt, d’être considéré comme un assisté. « La stigmatisation nous paraît délétère ! Les critiques de la société rajoutent à la souffrance de ces personnes », assure Bernard Thibaud, qui estime que « malheureusement, lorsque la pauvreté augmente, la solidarité ne s’exprime pas plus fortement. Il y a une façon d’opposer les très précaires qui profiteraient du système aux précaires qui auraient l’impression que leur force de travail est mise au service de personnes qui profitent. Tout ce qui, dans le discours politique, peut alimenter ces peurs et ces préjugés va dans la mauvaise direction. »
Le jour de la publication du rapport, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique, adressait une lettre aux candidats de la primaire de la droite : « Nous attendons du futur président qu’il fasse l’unité nationale et combatte la pauvreté et la stigmatisation des plus pauvres. Nous vous demandons de mettre la lutte contre la pauvreté et contre le chômage de longue durée au cœur de votre projet de société. »
Au lendemain du troisième débat télévisé, Bernard Thibaud regrettait que le thème de la pauvreté n’ait été que trop rapidement évoqué. « On a parlé du RSA et, tout de suite, le terme galvaudé de l’assistanat est ressorti. En les interpellant directement, nous voulons faire comprendre que le premier besoin exprimé par les personnes précaires est celui d’être écouté. »
Hugues Lefèvre
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olivia
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