Saint Catherine of Sienne and
God The Father, Le Dialogue de Sainte Catherine de Sienne ( 3 )
Dans ce traité, on voit Dieu le Père conversant
avec la Vierge Catherine, en forme de dialogue, c'est-à-dire à la façon de deux
personnes qui parlent ensemble.
On y trouve contenu des secrets divins très
profonds et très suaves.
CHAPITRE VI
(7)
Comment les vertus
s'exercent par le moyen du prochain et pourquoi les vertus se trouvent si différentes
dans les créatures.
Je t'ai dit
comment tous les péchés se commettent par le moyen du prochain, pour les
raisons que je t'ai exposées, à savoir que les pécheurs
sont privés de l'amour de charité qui donne la vie à toute vertu.
Et ainsi
l'amour-propre, qui détruit la charité et l'amour du prochain, est le principe
et le fondement de tout mal.
Tous les
scandales, haines, cruautés, désordres de tous genres, proviennent de cette
racine mauvaise.
C'est
l'amour-propre qui a empoisonné le monde entier et rendu malade le corps
mystique de la sainte Église et tout le corps de la Religion chrétienne.
C'est pourquoi je
t'ai dit que toutes les vertus avaient pour commun objet le prochain, et telle
est bien la vérité.
La charité, t'ai-je dit, donne vie à toutes les vertus,
parce qu'aucune vertu ne peut être sans la charité; la vertu ne s'acquiert que
par le pur amour que l'on a pour Moi.
En effet, dès
que l'âme s'est connue elle-même, comme nous disions plus haut, elle a trouvé
l'humilité [25] et la haine de sa propre passion sensuelle, en constatant cette
loi perverse imprimée dans ses membres et qui est toujours en révolte contre
l'Esprit.
Elle se dresse
alors avec haine et aversion contre la sensualité; elle met son zèle à la
soumettre à la raison.
De plus, elle a éprouvé en elle-même la grandeur de Ma bonté par tous les dons qu'elle
a reçu de Moi; tous ces bienfaits qu'elle trouve
en elle, cette connaissance qu'elle a acquise de soi-même, son humilité m'en
fait honneur, sachant bien que c'est Ma grâce qui l'a retirée
des ténèbres et ramenée à la lumière de la vraie science.
Ma bonté une
fois reconnue, elle l'aime sans intermédiaire tiré d'elle-même ou de sa propre
utilité, mais elle l'aime par le moyen de la vertu qu'elle a conçue par amour
pour Moi, parce qu'elle voit qu'elle ne saurait m'être agréable sans concevoir
la haine du péché et l'amour des vertus.
Dès qu'elle a
conçu la vertu par affection d'amour, la vertu produit des fruits au bénéfice
du prochain: autrement, il ne serait pas vrai
qu'elle l'eût conçue en elle-même; mais comme elle M'aime en vérité, en vérité
aussi elle fait bénéficier le prochain de cet amour.
Et il n'en
peut être autrement, puisque l'amour que l'on a pour Moi et
pour le prochain est une seule et même chose: autant l'âme
M'aime, autant aime-t-elle son
prochain, car c'est de Moi-même que vient l'amour qu'elle a pour lui.
Tel est le
moyen que je vous ai imposé, pour que vous exerciez et expérimentiez la vertu
qui est en vous.
Ne pouvant
tirer Moi-même profit de vos services, c'est en faveur du prochain que vous les
devez employer.
Ce sera la preuve
que vous me possédez dans vos âmes par la grâce, si vous le faites bénéficier
de nombreuses et saintes oraisons, avec un doux et amoureux désir de Mon
honneur et du salut des âmes.
L'âme
amoureuse de ma Vérité ne cesse jamais de se rendre utile à tout le monde, tant
en général qu'en particulier, peu ou beaucoup, selon la disposition de celui
qui reçoit et selon l'ardent désir de celui qui donne, ainsi que je l'ai expliqué plus haut quand j'ai déclaré
que la peine toute seule, séparée du désir, était insuffisante à expier la
faute.
Après que
l'âme a éprouvé pour elle-même les bienheureux effets de cet amour d'union qui
l'attache à Moi et par lequel elle s'aime elle-même en Moi, elle étend son affection au salut du monde entier, en subvenant à ses
nécessités: après s'être fait du bien à elle-même à concevoir la vertu d'où
elle a tiré la vie de la grâce, elle applique désormais son zèle et son
attention aux besoins du prochain en particulier.
Et donc, après
avoir témoigné à toute créature douée de raison l'affection de charité, comme
il a été dit, elle vient en aide à ceux qui sont près d'elle, suivant les grâces diverses que je lui ai départies pour le service
d'autrui.
Celui-ci sert
le prochain par la doctrine, c'est-à-dire par la parole, prodiguant ses conseils
sans regarder à ses [27] propres intérêts.
Celui-là le
soutient par l'exemple de sa vie, ce que tous doivent faire, car chacun est tenu
d'édifier le prochain par une vie simple et honnête.
Telles sont les vertus - et bien d'autres encore qui ne se peuvent raconter
- qu'engendre l'amour du prochain.
Il est entre elle des différences, et je ne
les donne pas toutes également à chacun.
J'en donne une
à celui-ci, une autre à celui-là; mais il n'en est pas moins vrai que l'on ne
saurait en avoir une sans posséder toutes les autres, car toutes les vertus
sont liées ensemble.
Il en est
plusieurs que je distribue de telle manière, tantôt à l'un, tantôt à l'autre,
qu'elles apparaissent comme étant la vertu capitale en regard des autres.
A l'un c'est la
charité; à l'autre, la justice; à celui-ci, l'humilité; à celui-là, une foi
vive; à quelques-uns la prudence, ou la tempérance, ou la patience; à certains,
la force.
Ces
vertus et bien d'autres je les dépose dans l'âme à des degrés divers chez
beaucoup de créatures.
Bien que parmi
ces vertus, il n'y en ait qu'une qui, par son objet, soit
principale vis-à-vis des autres, il arrive
cependant que l'âme ait plus d'occasions dans la vie
d'exercer l'une que l'autre, et celle qu'elle développe
ainsi, prend de ce chef une importance capitale.
Il en résulte
que cette vertu tire à soi toutes les
autres, lesquelles, ainsi qu'il a été dit,
sont toutes liées ensemble par l'amour de charité.
Il en est ainsi de plusieurs dons et grâces
de vertu, ou d'autres qualités spirituelles et temporelles [28].
Quant aux biens temporels, pour les choses nécessaires à
la vie humaine, je les ai distribués avec la plus grande inégalité, et je n'ai
pas voulu que chacun possédât tout ce qui lui était nécessaire pour que les
hommes aient ainsi l'occasion, par nécessité, de pratiquer la charité les uns
envers les autres.
Il était en mon
pouvoir de doter les hommes de tout ce qui leur était nécessaire pour le corps
et pour l'âme; mais j'ai voulu qu'ils eussent besoin les uns des autres et
qu'ils fussent mes ministres pour la distribution des grâces et des libéralités
qu'ils ont reçues de moi.
Qu'il le
veuille ou non, l'homme ne peut ainsi échapper à cette nécessité de pratiquer
l'acte de charité; il est vrai que, s'il n'est pas accompli pour l'amour de moi,
cet acte n'a plus aucune valeur surnaturelle.
Tu vois donc que
c'est pour leur faire pratiquer la vertu de charité que je les ai faits mes
ministres, que je les ai placés en des états différents et des conditions
inégales. C'est ce qui vous montre que s'il y
a dans ma maison beaucoup de demeures, je n'y veux cependant rien d'autre que
l'amour du prochain, et qui aime le prochain observe
toute la loi.
Ainsi peut se
rendre utile, selon son état, celui qui engagé dans les liens de cet amour
[29].
CHAPITRE VII
(8)
Comment les vertus s'éprouvent et se fortifient
par leurs contraires.
Je t'ai montré
comment l'homme se rend utile au prochain, et comment par ce service il
manifeste l'amour qu'il a pour Moi.
Je vais te
dire maintenant que c'est par le prochain que l'homme expérimente qu'il possède
en soi-même la vertu de patience, à l'occasion de l'injure qu'il reçoit de lui.
C'est l'orgueilleux qui lui fait prendre
conscience de sa propre humilité, comme l'incroyant, de sa foi, le désespéré,
de son espérance, l'injuste, de sa justice, le cruel, de sa miséricorde,
l'irascible, de sa mansuétude et bénignité.
Toutes les
vertus s'éprouvent et s'exercent par le prochain comme aussi c'est par lui que
les pervers font voir toute leur malice.
L'humilité,
note-le bien, est éprouvée par l'orgueil, parce que l'humilité triomphe de
l'orgueil.
Il n'est pas
au pouvoir du superbe de causer du dommage à celui qui est humble pas plus que
l'infidélité du méchant qui ne M'aime pas, qui n'espère pas en Moi, ne se
communique à celui qui M'est fidèle: elle n'entame pas la foi, ni l'espérance
de celui
qui l'a conçue
en soi, pour l'amour de Moi; elle la fortifie même et l'éprouve par la
dilection de l'amour qu'il témoigne au [30] prochain.
Quand il voit
l'infidèle, sans espérance en Moi, - car celui qui ne M'aime pas ne peut avoir
foi ni confiance en Moi, il ne croit et n'espère qu'en sa propre sensualité qui
lui prend tout son amour - mon serviteur fidèle ne laisse pas cependant de
l'aimer fidèlement et avec l'espérance de chercher en Moi son salut.
Ainsi donc
l'infidélité des uns et leur manque d'espérance servent à manifester la foi du
croyant.
En ces
occasions et d'autres encore où la vertu de foi a besoin de s'affirmer, le
croyant en fournit la preuve pour lui-même et à l'égard du prochain.
Non seulement
la justice n'est pas amoindrie par les injustices d'autrui, mais aussi les
injustices reçues démontrent que le juste se maintient dans la justice par la
vertu de patience, de même que les emportements de la colère qui assaillent la
bénignité et la mansuétude manifestent pareillement que ces vertus sont
accompagnées de la douce patience; à leur tour
l'envie, l'aversion, la haine mettent en évidence la dilection de la charité,
le désir et la faim du salut des âmes.
Non seulement
la vertu s'affermit en ceux qui rendent le bien pour le mal, mais, je te le
dis, souventes fois l'épreuve fait d'eux des charbons ardents, tout brûlants du
feu de la charité dont la flamme consume la haine et les ressentiments jusque
dans le coeur et l'esprit du méchant irrité, transformant ainsi l'inimitié en
bienveillance. Telle est l'efficacité de la charité et de la parfaite patience
en celui qui est en butte à la colère du méchant et [31] subit sans se plaindre
ses assauts.
Si tu
considères la vertu de force et de persévérance, elle se prouve par le long
support des affronts et des médisances des hommes, qui souvent, tantôt par la
violence, tantôt par la flatterie cherchent à détourner de la voie et de la
doctrine de la Vérité.
Elle demeure
inébranlable et résiste à toute adversité, si vraiment la vertu de force a été
conçue intérieurement; c'est alors qu'elle se prouve dans ses rapports avec le
prochain, comme il a été dit.
Si, au moment
où elle est aux prises avec les nombreuses contrariétés, elle ne faisait pas
bonne contenance, ce ne serait pas une vertu fondée sur la Vérité [32].
Extrait du livre « Le Dialogue de Sainte Catherine de Sienne », Traduction nouvelle de l’italien, Par le R.P. J..
Hurtaud, O.P., maître en sacrée théologie, « Le Livre de
la Miséricorde, Doctrine Divine, Exposée en langue vulgaire par la séraphique
Vierge Sainte Catherine de Sienne [...] »
Sources :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/catherine/oeuvres/dialogue.htm
aici sunt si
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