Dare (to) be fragile. Osez être fragile ( psychologies.com )
Et si on arrêtait de vouloir à tout prix être fort, puissant, parfait ?
Se savoir faible, triste ou vulnérable, ne pas le cacher et l’assumer dope
paradoxalement notre assurance.
Voici pourquoi.
Hélène Fresnel
“Je ne
m’imagine pas une seconde parler à mes proches de mes nuits sans sommeil », confie, au bord du burn-out, Antoine, directeur
financier d’une imprimerie en difficulté.
Dans un
environnement socio-économique qui valorise les gagnants performants, forts et
invulnérables, reconnaître ses fêlures relève d’une authentique gageure.
Pas de place pour les « perdants magnifiques » de Léonard
Cohen.
« Nous vivons dans une société fâchée avec la fragilité, confirme le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag.
Une société avec des rêves “frankensteiniens” promettant
aux individus la force via une esthétique robotique, des prothèses diverses et
variées.
Mais ces rêves de
toute-puissance s’opposent au principe même de la vie.
Notre existence
ne peut pas constamment se dérouler dans la puissance et l’extension.
Quelqu’un qui aurait tendance à ne jamais pouvoir aller
mal s’autodétruirait. Quand
nous sommes au taquet, dans un élan permanent, beaucoup
de choses nous échappent.
Notre perception
des autres, de notre environnement, notre capacité de réflexion sont
amoindries. »
Projetés en
avant, constamment actifs, nous ne prenons plus le temps de nous arrêter et
d’observer ce qui nous entoure.
S'appuyer sur ses failles
Erreur fatale,
selon Miguel Benasayag, qui assure que le fait
d’accepter et de reconnaître sa vulnérabilité peut permettre de nourrir la
confiance en soi.
En nous
appuyant sur nos failles, nous pouvons acquérir la certitude réaliste et
concrète que nous disposons des ressources intérieures nécessaires pour faire
face aux situations qui s’imposent à nous.
D’abord en
dressant un état des lieux, en observant ce qui nous arrive le plus justement
possible, développe-t-il :
« Quand nous nous sentons fragilisés, nous sommes contraints
de “débrancher”, de nous mettre dans une position de retrait.
Dans ces
moments-là, nous nous reconstituons, nous reconstruisons et décuplons notre
sensibilité : la pensée,
les sens s’aiguisent, s’affinent. »
Et si nous
noircissons ce que nous voyons ?
« Ce n’est pas
si grave : nous ne sommes pas non plus obligés de vivre comme des êtres
lobotomisés au pays des Bisounours. »
Considérer les
obstacles permet de mieux les franchir.
Les nier mène
droit à l’échec.
Nous sommes « les plus vulnérables des
animaux », rappelle la psychanalyste Marie Balmary.
Pour elle, la
négation de la fragilité relève de l’aveuglement et du rejet d’une évidence :
nous venons au monde « inachevés », incapables de nous déplacer et de nous
nourrir, totalement dépendants des autres.
Et nous passons
ensuite une bonne partie de notre vie à nous consolider, à essayer de nous
renforcer, avant de tenter de nous protéger contre notre inéluctable
disparition.
Si nous nions
cela, « chacun se retrouve seul avec sa fausse force », dans une position de
surplomb qui l’isole des autres.
Or, explique la
psychanalyste, « ce que la force ne peut pas, la fragilité le peut : elle est
présence sans menace pour l’autre ».
C’est en ne
surjouant pas les gros bras que nous désactivons les réactions de peur et de
méfiance, que nous pouvons nous lier et nous relier.
Se savoir
vulnérable, ne pas le cacher permet d’aller au-devant des autres mais aussi de
demander de l’aide.
Pour le
neuropsychiatre Boris Cyrulnik, cette capacité est même l’un des principaux
facteurs de résilience chez les êtres humains.
Selon
les psychanalystes lacaniens, la fragilité est d’ailleurs ce qui fait la
singularité de chacun.
Nous portons en
nous des failles, et il en est une qui nous est propre et qui nous travaille
particulièrement.
En la
reconnaissant, nous pouvons cesser de nous considérer comme des « bons à rien
».
À partir de cette
blessure singulière autour de laquelle nous avons aveuglément construit notre
vie, nous reprenons confiance en nous
et en nos capacités.
Prenons le cas
d’une jeune femme convaincue d’être inintéressante, d’être une victime
systématiquement humiliée dans ses relations amoureuses.
Elle s’est
finalement aperçue qu’elle reproduisait indéfiniment la relation qu’elle
entretenait, enfant, avec sa mère, qui la rabaissait.
Remettre en
question ce lien névrotique lui a ouvert de nouvelles perspectives pour penser
et agir.
« Les mots, le discours familial, parental dans lequel
nous baignons nous “marquent au fer rouge”.
Ils nous
prennent au corps, nous assignant une place que nous n’avons pas choisie,
détaille la psychanalyste Marie-Hélène Blancard.
Ce peut être une
phrase, quelques mots, une scène de l’enfance qui nous ont cloués sur place.
Il faut
ensuite consentir à se séparer de cette soufrance que nous chérissons.
Nous nous
reconnaissons en elle.
Nous nous y
sommes habitués. »
Et elle a parfois
profondément atteint notre confiance en nous.
« Le métier de
vivre », pour reprendre le titre du journal
de Cesare Pavese, va consister à nettoyer ce point douloureux afin que
nous puissions réaliser qu’il nous constitue, que nous ne pouvons pas le nier
et que nous devons même nous appuyer sur lui pour nous construire.
Notre faille
nous fonde.
janvier 2014”
http://www.psychologies.com/Moi/Moi-et-les-autres/Confiance/Articles-et-Dossiers/Faites-vous-confiance/Osez-etre-fragile#xtor=CS2-6-[20-11-2014]-[09:45]-[Osez-fragile%5D
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