Sainte
Rose de Lima-dominicaine-stigmatisée (1586-1617) Partie 1/3, Myriamir à La
Source, le 7 Juin 2016
Introduction
Rose de Lima est une des Saintes vers lesquelles on se
sent attiré comme d’instinct et qu’on aime tout de suite. Son nom d’abord, puis nous ne savons quel
parfum poétique répandu sur cette vie simple, humble, ignorée, contrastant
d’une façon si suave avec les scènes sanglantes qu’avait vues jusque-là le Nouveau Monde; et aussi, avouons-le,
une joie bien légitime, une fierté de famille de voir l’Ordre de Saint-Dominique s’emparer d’une terre encore jeune par
une gloire si pure, — notre héroïne étant la première fleur de sainteté éclose
sur le sol américain, — tout cela marque l’illustre vierge d’un caractère à
part, et dès qu’on approche d’elle, on ne peut se défendre d’un charme inconnu.
Puisse cette biographie, rapide, abrégé d’une grande et belle Vie, édifier,
instruire et intéresser le lecteur.
I
— Dans la seconde moitié du XVIe siècle, une
famille d’origine espagnole se trouvait fixée à Lima. Le père,
Gaspard Flores, ancien militaire, était né à
Puerto-Rico : il appartenait par ses
ancêtres à l’aristocratie de Tolède, mais les bouleversements politiques avaient fait
sombrer sa fortune ; il vivait
dans la médiocrité. Marie Oliva, son épouse, originaire de Lima, avait eu déjà dix enfants, quand le 20 avril 1586, elle
mit au monde une fille, dont la naissance, à rencontre des enfantements
précédents, ne lui coûta presque aucune douleur. L’enfant
fut ondoyée immédiatement, et la cérémonie du baptême différée jusqu’à la Pentecôte, fête
désignée en espagnol sous le nom de « Pâque des Roses ».
Isabelle de Herrera, son aïeule maternelle, la tint
sur les fonts sacrés et lui imposa son nom. Celui de Rose, qu’elle devait immortaliser, ne lui fut donné que plus tard,
à la suite du prodige que nous allons rapporter. Un jour
que la petite fille reposait dans son berceau, sa mère, en se penchant pour la
contempler, remarqua sur sa figure l’image d’une rose fraîchement épanouie.
Ravie d’un tel fait, Oliva
prit l’enfant dans ses bras, la couvrit de ses baisers et lui dit tout bas,
ou plutôt se dit à elle-même : « Désormais tu seras ma Rose, ma petite Rose, je ne
t’appellerai plus autrement. » Elle comptait sans la marraine. Celle-ci, en effet, d’un caractère peu
endurant, et très vexée sans doute de n’avoir pas été témoin de la merveille,
crut voir dans ce changement de nom un mépris pour sa personne : de là des
discussions interminables au logis, discussions dont l’innocente fillette
allait être bientôt la victime.
Quand elle eut un peu grandi, courait-elle à sa mère en
répondant au nom de Rose, l’aïeule saisissant la verge la frappait
rudement : se rendait-elle au
contraire à l’invitation de la marraine qui l’appelait Isabelle, la
verge, changeant de mains, servait encore au même usage dans celles de sa mère. Ainsi tiraillée, ne sachant comment
faire pour contenter son monde, la
pauvre enfant porta patiemment le poids de ces conflits domestiques jusqu’à ce
qu’il plut au Seigneur de mettre un terme à cette guerre cent fois renouvelée.
A l’époque où la fille de Marie Oliva reçut
le sacrement de Confirmation, l’archevêque de Lima, saint Turribius, poussé par
une inspiration céleste, substitua de son propre mouvement le nom de Rose à
celui d’Isabelle. Devant
l’autorité du fait accompli, toute hésitation cessa, et l’aïeule elle-même
n’osa plus se plaindre.
Plus tard cependant, la jeune fille eut un scrupule à cet
égard, sachant que ce nom ne lui avait pas été donné au baptême et craignant de
ne le devoir qu’à la vanité, par allusion à sa beauté naissante.
Sa conscience s’alarma ; mais la Très Sainte Vierge vint la rassurer. Elle lui apparut dans l’église des
Frères-Prêcheurs, tenant l’Enfant Jésus dans ses bras. « Mon divin Fils, lui dit-elle, approuve
le nom de Rose et désire que tu y ajoutes le mien : à l’avenir tu t’appelleras
Rose de Sainte-Marie. »
Quelques jours se passèrent; puis un matin, après avoir
communié, la jeune fille pria sa mère de l’appeler désormais Rose de Sainte-Marie. « Jésus
et Marie le veulent, ajouta-t-elle, et plus vous répéterez ces mots, plus vous
comblerez mon cœur de joie et l’embraserez de l’amour divin. » Les noms célestes lui furent acquis
pour toujours. Cette faveur, gage d’une prédilection singulière, était aussi
l’indice de l’appel d’en haut. Le Ciel choisissait et marquait cette âme
d’enfant pour de grandes choses : voyons comment elle répondit à ses desseins.
Bien avant cette époque, et dès le berceau, Rose montrait que son esprit et son
cœur semblaient uniquement occupés de Dieu. Sa mère était frappée de ce
qu’elle découvrait en elle d’admirable et de surnaturel : son entourage la félicitait d’avoir
une enfant dont tout l’extérieur portait déjà l’empreinte des faveurs divines,
et chacun pouvait se demander : «
Que sera-t-elle un jour? »
A certains récits que les historiens nous ont conservés,
on saisit sans peine les premières lueurs de cette générosité qui sera le trait
le plus expressif de sa mâle vertu. Destinée
à rester dans l’obscurité, Rose n’aura qu’un amour au cœur, celui de Jésus
crucifié ; mais elle donnera de cet amour un
héroïque témoignage par la souffrance acceptée ou recherchée avec un courage,
une ténacité, une persistance qui nous confondent.
Elle était d’habitude souriante et gracieuse. Une fois cependant on la vit pleurer.
Sa mère, fière de sa beauté, l’avait portée dans une maison du voisinage pour
la montrer à une de ses amies. Mais l’enfant, âgée de quelques semaines, ne
cessa de jeter des cris, comme si un sentiment inné d’humilité et de modestie
se fût trouvé froissé de cette exhibition : dès son retour au foyer domestique,
elle redevint tranquille. N’était-ce
pas un signe de l’aversion profonde qu’elle aurait pour le monde?
Dans une autre circonstance, elle révéla une force d’âme
bien supérieure à la nature. Un jour, qu’elle refermait un grand coffre, le
pouce de sa main droite se trouva pris sous le couvercle, que Rose n’eut pas la
force d’arrêter à temps. Sa mère accourut : mais l’enfant, dissimulant sa
douleur, glissait sa main sous son tablier en disant : « Ce n’est rien. » On s’aperçut
bientôt qu’un dépôt de sang coagulé s’était formé sous l’ongle.
Le chirurgien consulté appliqua d’abord un onguent
corrosif qui dévora l’ongle en partie, puis il arracha avec des pinces ce qui
en restait. Rose tendait sa petite
main, et pendant qu’on lui ouvrait le doigt, s’efforçait de sourire et
d’encourager sa mère qui tremblait pour elle. Le chirurgien ne revenait pas de
surprise, et longtemps après, il avouait n’avoir jamais rencontré, dans sa
longue carrière, d’héroïsme comparable à celui de cette enfant de trois ans.
Soumise plus tard à de nouvelles opérations non moins
cruelles, Rose, loin de frémir, restait sereine et joyeuse, comme si elle eût
eu déjà l’intuition que la douleur était sa voie et le moyen de prouver à
Dieu son amour et sa soumission.
Un matin, tandis qu’elle s’amusait au jardin avec son
frère aîné, celui-ci, écartant le voile de sa sœur, se mit à répandre de la
terre dans ses cheveux. Rose
qui recherchait avidement la souffrance aimait aussi la propreté : elle ne prit point cette souillure
pour un badinage, et laissant là le jeu, s’éloigna au plus vite.
« D’où vient cette susceptibilité? dit alors le petit espiègle; tu ne sais pas,
ma sœur, que la chevelure des jeunes personnes est souvent une occasion de
péché : au lieu donc de te complaire dans la tienne, tu ferais beaucoup mieux
de la tenir pour ce qu’elle vaut. » L’apostrophe n’était sur les lèvres du frère
qu’une nouvelle taquinerie : elle produisit un effet fort inattendu. Ce fut
pour Rose un trait de lumière : elle comprit et l’horreur du péché et le prix
inestimable de la vertu. Alors, sans hésiter, n’ayant alors que cinq ans, l’imitatrice de
sainte Catherine de Sienne coupe sa blonde chevelure et fait le vœu de
virginité perpétuelle.
Les onze Religieux, six de l’Ordre de Saint-Dominique et
cinq de la Compagnie de Jésus, qui entendirent ses confessions, ont tous affirmé après sa mort
qu’elle n’avait jamais commis la moindre faute vénielle contre ce vœu.
II
— L’obéissance fut la loi de la vie entière de notre
angélique Sainte : à aucun prix elle ne se serait permis de transgresser un
ordre, d’enfreindre une défense. Sa délicatesse à cet égard allait si loin
qu’elle résolut, pour se maintenir dans une complète dépendance, de ne rien
prendre par elle-même de ce qui était nécessaire à son travail journalier :
elle priait donc chaque matin sa mère de lui remettre tout ce dont elle avait
besoin.
Ennuyée d’une importunité qui lui semblait
peu sensée, sa mère lui dit un jour sur un ton de colère : « Me prends-tu donc pour ta servante ? Ne
peux-tu pas me laisser tranquille, et pourvoir toi-même à tes
nécessités ?» — « Pardonnez-moi, ma mère, répondit doucement la jeune
fille; je voulais joindre au mérite de mon travail celui de l’obéissance et
vous payer ainsi le tribut de mon respect filial : je tâcherai désormais
d’apporter plus de discrétion dans mes demandes. »
Frappée de cette réponse, Marie Oliva voulut mettre à
l’épreuve cet esprit d’obéissance. Un jour que l’enfant brodait des fleurs en
soie sur une étoffe : « Tu
t’y prends mal, lui dit-elle : tiens ton ouvrage autrement et passe la soie de
telle façon. » Le
conseil était contraire à toutes les règles de l’art. N’importe, Rose ne
répliqua rien et fit ce qu’on lui commandait, quoiqu’elle sût gâter ainsi son
travail. C’est ce qui arriva.
Quelques heures après, nouvelle inspection de l’ouvrage et grande explosion de
mécontentement.
« Mais ces fleurs sont faites à l’envers ! Mais ce sont des monstres et non des fleurs
!»
— « Malgré mon peu de goût, reprit l’enfant avec douceur,
je trouvais comme vous, ma mère, ces fleurs fort mal réussies; mais je ne
pouvais faire autrement sans m’écarter de la méthode que vous m’aviez donnée,
et j’aime encore mieux obéir que suivre mon propre jugement. » Qui n’admirerait
l’héroïsme de cette simple action ?
Rose s’était fait une loi de ne jamais boire sans
permission, et, dans
son amour de la pénitence, elle
demandait cette permission tout au plus une fois en trois jours. Or sa mère, n’ayant pas remarqué ces
intervalles, répondait parfois négativement: la jeune fille attendait
patiemment que trois autres
jours se fussent écoulés, et
loin de se plaindre de ces refus, elle avoua même un jour qu’elle les trouvait
trop rares.
Les parents de Rose, avons-nous dit, n’étaient pas riches : il leur fallait travailler beaucoup
pour élever la nombreuse famille que le Ciel leur avait donnée. L’aimable
enfant le savait. Ardente et empressée, elle employait toute son activité à
adoucir les moments de gêne où le nécessaire allait peut-être manquer. Elle était d’une adresse incomparable.
Fait vraiment inouï et humainement inexplicable, tout en
consacrant douze heures par jour à la prière, elle faisait encore plus de
besogne en une journée que quatre ouvrières réunies. La chose a été attestée par
un grand nombre de témoins. La famille de la Massa, chez qui demeura la
Sainte, les trois dernières années de sa vie, déposa que ses ouvrages étaient
en outre d’une incomparable
beauté : ils se trouvaient
aussi frais au moment où elle les terminait que si les Anges seuls y eussent mis
la main, et les fleurs qui naissaient entre ses doigts rivalisaient avec celles
des parterres.
Cette assistance miraculeuse ne s’étendait pas seulement
aux travaux d’aiguille : elle relevait encore les autres industries de
l’admirable vierge. Rose
s’était réservé le soin du jardin de ses parents Elle y fit des semis, des
greffes, des boutures et obtint des plantes remarquables, qu’elle vendait au
marché de la ville. Mais voici la merveille.
Les fleurs des diverses saisons s’épanouissaient ensemble
dans ce jardin béni, et l’éclat de leurs couleurs, la suavité de leurs parfums
dépassaient tout ce qu’on avait jamais vu et senti. Comme on demandait un jour
à l’habile jardinière si la culture de ses plantes était de quelque utilité à
sa famille : « C’est un
fort petit commerce à la vérité, répondit-elle en souriant, mais la miséricorde
de mon Fiancé céleste en augmente le bénéfice. »
Elle était l’ange du foyer. La maladie visitait-elle l’humble logis, Rose passait les jours et les nuits
au chevet des infirmes et ne le quittait plus à moins d’en être arrachée par
l’obligation de rendre quelque autre service. Elle faisait les lits, préparait les
remèdes, et se prêtait aux choses mêmes les plus répugnantes.
La mère comprit, sans doute, à la longue qu’elle
possédait un trésor : toutefois son caractère violent lui faisait vite oublier
les services rendus par sa plus jeune fille. Elle latrouvait exagérée dans
ses pratiques pieuses. Son
silence, ses longues oraisons, son aversion du monde l’exaspéraient à tel point
qu’elle l’accablait d’injures, de soufflets et de coups ; Dieu le permettant
ainsi pour donner à cette âme choisie un trait de ressemblance — et des plus
saisissants — avec son divin Fils.
Les frères de notre Sainte voulaient, de leur côté, voir
en elle un esprit dérangé ; ils lui prédisaient qu’elle finirait ses jours dans
les cachots de l’Inquisition et la traitaient de fourbe et d’hypocrite. Douce et calme au milieu de ces
orages, l’humble vierge supportait tout en patience, et savait allier la déférence la plus
parfaite avec les pressantes réclamations de la grâce céleste. Appelée par
Dieu, elle n’était plus du monde et ne devait plus vivre selon le monde. Aussi,
quand l’obéissance la poussait hors de la voie crucifiante, comme elle
s’ingéniait pour y rentrer!
Quelle sagacité surprenante pour trouver la
pénitence dans ce qui semblait propre à flatter la nature ! Un jour, sa mère lui fit prendre pour
coiffure une couronne de fleurs. Pour compenser l’éclat de cette parure, la jeune fille glissa en dessous
une longue aiguille dont elle enfonça la pointe dans sa tête, en y plaçant les
fleurs. Le port de cette
couronne devint ainsi un tourment. Un
autre jour, on commit l’imprudence de s’extasier devant la beauté de ses mains. C’en fut assez pour que la
généreuse enfant plongeât dans la chaux vive ces mains qui furent affreusement
brûlées. Pendant un mois,
elle endura de grandes douleurs sans regretter une seule fois de s’être
condamnée à ce supplice.
La guérison recouvrée, Marie de Flores, pour rendre à la
peau sa beauté première, se mit un soir à frictionner les doigts de sa fille
avec une composition très estimée au Pérou, et les enferma dans des gants
jusqu’au lendemain. En vain Rose avait-elle instamment demandé qu’on lui épargnât
cette recherche. Elle dut
se soumettre. Mais Dieu prit lui-même en mains sa défense. Une fois
couchée et la lumière éteinte, la jeune fille venait, non sans peine, de céder
au sommeil, quand une vive
douleur la réveilla. Ses
mains brûlaient comme si elles eussent été plongées dans le feu : des flammes
s’en échappaient et éclairaient toute la chambre. Dans son effroi et craignant
un incendie, Rose s’empressa de retirer ses gants et aussitôt le feu
s’éteignit. Le lendemain, les
mains gardaient encore des traces de brûlures; mais il fallut expliquer à la
mère le prodige opéré.
Nous ne pouvons-nous arrêter longtemps sur les moyens
employés par cette jeune fille de quinze ans pour suivre l’attrait mystérieux
qui l’emportait loin du monde et des frivolités terrestres. Parfois, si un
ordre formel l’obligeait à paraître en société, elle se frottait le visage avec
un poivre très mordant qui la défigurait et lui causait de grandes douleurs, ou
encore elle se laissait tomber sur le pied une lourde pierre, et se trouvait
contrainte de rester à la maison. Par
d’héroïques stratagèmes, manifestement inspirés d’en haut, elle obtint enfin de
se tenir éloignée de toute réunion mondaine et de suivre son goût pour la
solitude et la retraite avec Dieu.
Ses parents lui permirent de se construire au fond de
leur jardin un ermitage rustique, mesurant cinq pieds de long sur quatre de
large : une simple ouverture servait de fenêtre; un siège, une table et une
grande croix formaient tout le mobilier. « C’est
trop étroit, lui dit son confesseur, vous ne saunez rester dans un pareil
réduit. » — « Oh ! répondit Rose, c’est bien
assez grand pour Jésus et pour moi; tous les deux, nous y serons à l’aise. » Cette humble cabane fut pendant
plusieurs années le lieu de retraite où elle venait s’entretenir avec son Bien-Aimé:
chaque matin, dès l’aube, elle s’enfuyait dans sa chère cellule, et là, seule
avec son Dieu, priait, travaillait, souffrait.
A Lima, comme dans tous les pays chauds et humides, les moustiques sont nombreux.L’ermitage
de Rose, placé sous les arbres, en
était infesté. Chose étrange,
au lieu de la troubler par leurs désagréables piqûres, ils vivaient avec elle en bonne
intelligence. Quand sa mère
se hasardait dans la cellule, toute la troupe semblait se donner le mot pour la
dévorer. « Sous cette plaie
d’Égypte qui ne laissait aucun moment de repos, écrit l’un de ses biographes,
Rose, au grand étonnement de ses visiteurs, demeurait tranquille et nullement
tourmentée. »
III
— Depuis longtemps déjà l’angélique enfant
s’était éprise d’amour pour sainte Catherine de Sienne : le récit de sa vie
avait ému profondément son âme. Elle brûlait de suivre de plus près l’héroïque
vierge; aussi son rêve le plus cher était-il d’être admise parmi les Sœurs du
Tiers-Ordre de la Pénitence. Mais
nul chemin n’est sans épines : des
difficultés surgirent qui parurent un moment rendre impossible la réalisation
de tels désirs. Une tante de l’archevêque Turribius, fondatrice d’un couvent de
Clarisses à Lima, crut faire une bonne œuvre en proposant la fille des Flores
aux Religieuses nouvellement arrivées. Rose
fut agréée sans même avoir été avertie.
Tout en exprimant sa reconnaissance, elle demanda à
réfléchir. La mère consultée refusa son consentement, et sa décision eût fait
loi si elle ne s’était, trouvée en opposition avec le jugement des directeurs
de Rose. Ceux-ci, pensant qu’une jeune fille d’une telle piété serait mieux à
sa place dans un couvent qu’au milieu du monde, lui conseillèrent de sacrifier
son attrait pour l’Ordre de Saint-Dominique, et d’entrer résolument dans le
monastère disposé à l’accueillir.
Rose crut voir dans cet avis la volonté de Dieu, et sans
rien dire, quitta, un dimanche matin, la maison paternelle, accompagnée d’un de
ses frères qu’elle avait mis dans le secret. Passant devant l’église de
Saint-Dominique, elle voulut s’y arrêter pour prendre la bénédiction de
Notre-Dame du Rosaire. A peine
s’était-elle agenouillée, qu’elle se sentit comme rivée au sol. En vain essaya-t-elle de faire un
mouvement : peine inutile. Son frère s’approche ; mais il eut beau déployer
toute sa force, il ne put parvenir à la soulever. Dans cette extrémité, la
candide enfant croit comprendre que Dieu n’approuve pas son projet.Levant
les yeux vers Marie : « O ma Mère, dit-elle, je vous
promets, si vous me délivrez, de retourner à la maison de mes parents et d’y
rester jusqu’à ce que vous m’ordonniez d’en sortir. » A ces mots, elle vit la Madone lui
sourire : en même temps la
vie et le mouvement revenaient dans ses membres. Elle
put se lever et partir.
Assurée cette fois de la volonté divine, Rose revint à
son désir d’appartenir à l’Ordre de sa protectrice, sainte Catherine de Sienne.
Une circonstance singulière l’affermit dans cette résolution. Un jour qu’avec
quelques pieuses jeunes filles, elle était occupée à orner une grande statue de
la Sainte que l’on devait porter en procession à travers les rues, elle vit,
pendant un temps assez long, un
papillon noir et blanc voltiger autour d’elle, passant et repassant comme avec
insistance devant ses yeux.
En même temps une lumière intérieure lui fit comprendre
que Dieu, par ce signe, l’autorisait à prendre l’habit blanc et noir du
Tiers-Ordre dominicain. Sans
plus tarder, elle demanda le consentement de sa famille, qui ne le refusa pas,
et, le jour de Saint-Laurent 1606, elle reçut des mains de son confesseur, le
Père Alphonse Vélasquez, le vêtement tant désiré de la Pénitence de
Saint-Dominique. Elle avait vingt ans.
Or, à cette époque, le receveur des domaines royaux,
Gonzalve de la Massa, qui fréquentait la famille de Rose, et tenait notre
Sainte en grande estime, la pressait d’entrer chez les Carmélites. La vie de Tertiaire dans le monde
ne lui semblait ni assez élevée, ni assez sûre pour Rose; lui-même s’offrait pour constituer la
dot et aplanir toutes les autres difficultés. Rose, craignant de lui déplaire
par un refus formel, demanda que l’on soumît la proposition à l’examen de
quatre théologiens de l’Ordre de Saint-Dominique, promettant de suivre leur
décision. Il arriva que deux des théologiens opinèrent pour le Carmel et deux
pour le Tiers-Ordre : et telle fut la ténacité des deux partis, qu’aucun ne
voulut céder. Faute de majorité, Rose déclara qu’elle restait dans la voie où
elle était entrée. Mais
l’ennemi des âmes ne se tint pas pour battu. Ayant échoué en se servant des autres,
il essaya d’entrer directement en lice pour lui enlever un habit gagné au prix
de tant de luttes. Il lui suggéra qu’elle était indigne de le porter.
« Blanche au dehors, lui disait-il, noire au dedans,
c’est pure hypocrisie. Tu veux passer pour une Sainte, et c’est tout. » De fait, quand la jeune fille, vêtue des
livrées dominicaines, et marchant avec une modestie ravissante, passait dans
les rues, on se la montrait du doigt et plus d’un la comparait tout haut à la
vierge de Sienne. Profondément
affectée de tels hommages, la pauvre enfant n’osait plus sortir et ne savait à
quoi se résoudre. Dans son
angoisse, elle eut recours à Notre-Dame
du Saint Rosaire.
A peine fut-elle à genoux devant l’autel
que toute inquiétude disparut, son visage abattu reprit sa beauté sereine et une douce splendeur forma
autour de sa tête comme une auréole de gloire. Quelques tertiaires présentes
s’extasiaient devant ce spectacle. Rose les aperçut et toute joyeuse leur dit : « Courage, mes Sœurs, louons Dieu
dont la bonté nous tient unies ensemble par un lien d’indestructible charité. » Satan était vaincu. C’est
à partir de ce moment que le confesseur de Rose la vit plusieurs fois prendre
et garder pendant quelques instants les traits de sainte Catherine.
À SUIVRE…
Sursa :
https://myriamiralasource.wordpress.com/2016/06/07/sainte-rose-de-lima-dominicaine-stigmatisee-1586-1617-partie-13/
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