Sainte Rose de
Lima-dominicaine-stigmatisée (1586-1617) Partie 2/3, Myriamir à La Source
le 8 Juin 2016
IV
— Fille
de saint Dominique, Rose de Sainte-Marie entendait
justifier ce beau titre pour réaliser, dans la mesure du possible, le type
achevé que Dieu lui-même lui mettait sous les yeux. C’est de ce côté qu’elle va
diriger ses efforts, et nous allons voir quelle base solide elle posa, par
l’humilité et la pénitence, à la vie de sublime contemplation où elle fut
élevée.
Notre Sainte ne se bornait pas à recevoir avec patience
et avec joie les injures et les railleries, de quelque côté qu’elles vinssent : pensant toujours en avoir mérité davantage,
elle avait l’habitude, quand on l’accusait, d’amplifier encore ce qu’on lui
imputait, comme si, à l’entendre, elle eût été coupable de grands crimes et
digne d’être méprisée et maltraitée de tous.
Rien ne lui était plus insupportable que les
louanges : elles étaient pour elle comme un trait acéré
qui semblait percer son cœur ; à ses gémissements et à ses larmes on pouvait
comprendre combien ces discours flatteurs lui étaient à charge. Si une
adversité, si un accident fâcheux tombait sur sa famille, elle l’attribuait
sérieusement à ses fautes, et
comme elle se croyait très sincèrement la créature la plus misérable qui fût au
monde, elle désirait vivement voir les autres partager sa conviction.
Quand elle se présentait au saint tribunal,
c’était avec une abondance de larmes et des soupirs qui l’auraient fait
aisément passer pour une insigne pécheresse. Toutefois cette contrition si extraordinaire
était toujours accompagnée et relevée par les ardeurs croissantes de la
charité, et c’est dans cet esprit qu’avant de commencer, elle disait à son
confesseur : « Dieu soit avec vous, mon Père. Que
Jésus soit notre amour ! Quand donc viendra le jour où nous l’aimerons
parfaitement? Ah! Qui ne l’aime pas, ou il ne le connaît pas ou il est sans
cœur. »
Outre les confessions sacramentelles, qu’elle renouvelait
plusieurs fois la semaine, elle en faisait une spirituelle chaque jour, aux
pieds de son Père saint Dominique : elle lui accusait en détail tout ce qui
pouvait être l’ombre d’une négligence ; puis elle demandait humblement au
Seigneur, par les mérites du saint Patriarche, le pardon et le remède.
Elle cachait avec soin ses maladies, pour
augmenter ses souffrances et aussi pour éviter d’attirer l’attention. Mais, ce qu’elle cherchait à dérober avec
plus de soin encore, c’étaient ses progrès dans la vertu et les faveurs
extraordinaires qu’elle recevait de Dieu. Rose ne parlait jamais de ces
dernières que pressée par l’obéissance et avec une extrême réserve. «Dès
mon enfance, déclara-t-elle un jour, j’ai supplié Dieu de ne pas permettre que
les grâces opérées en moi par sa bonté fussent manifestées au dehors, et,
connaissant la sincérité de ma prière, il a daigné m’exaucer. »
Si prodigieuse que nous paraisse sa vie, il est clair
d’après cette parole que bien des merveilles nous en sont restées inconnues.
Cependant Rose ne pouvait soustraire aux regards des hommes beaucoup d’actes
héroïques: ses jeûnes et ses
abstinences étaient forcément connus de ceux qui vivaient avec elle.
Dès son plus bas âge, elle s’imposait de
nombreuses privations et s’interdit, entre autres choses, l’usage des fruits. A six
ans, elle commença à jeûner au pain et à l’eau trois fois la semaine. Par
une de ces pieuses adresses qu’on rencontre chez les Saints, elle avait trouvé
le moyen de mortifier son appétit à la table commune, et cela, sous les yeux de
sa mère, si prompte, pour la moindre indisposition, à accuser les rigueurs
excessives de sa fille. Une servante Indienne, nommée Marianne, avait fini, à
force d’amitié et de caresses de la part de Rose, par devenir un instrument
docile des pénitences de sa jeune maîtresse.
Rose obtint qu’à chaque repas, sous un prétexte quelconque, Marianne lui
servît un mets spécial, composé de quelques herbes sauvages soigneusement
dissimulées dans un semblant d’apprêt. Quelquefois elle s’en allait dans les
champs à la cueillette de plantes ou racines nauséabondes, pour en fabriquer
une sorte de liqueur mélangée d’absinthe et de fiel dont elle arrosait ses
aliments, de sorte qu’on ne saurait vraiment dire si elle ne souffrait
davantage en mangeant qu’en s’abstenant de manger. Les jours de jeûne
ecclésiastique, elle se bornait à prendre, une seule fois, un peu de pain et
d’eau. On la vit, pendant des
Carêmes entiers, se sustenter seulement avec cinq pépins d’orange ou de citron
chaque jour ; on la vit
rester sept semaines sans boire, malgré les chaleurs insupportables du pays.
Rien de ce qui pouvait la faire ressembler à
Jésus souffrant ne lui paraissait au-dessus de ses forces. Dès sa quatorzième
année, elle sortait, la nuit, dans le jardin, et, chargeant ses épaules
meurtries par les disciplines d’une grande et lourde croix, elle marchait à pas
lents dans les allées, méditant sur le trajet douloureux du Calvaire et se
laissant parfois tomber à terre pour mieux imiter le Sauveur. Elle accomplissait ce pèlerinage
pieds nus et par les plus rigoureuses températures.
Quoique son corps fût fort affaibli par les jeûnes, Rose
ne laissait pas de pratiquer d’autresaustérités presque incroyables.
Elle se fit un cilice de crins, hérissé de pointes d’aiguilles et descendant
jusqu’au-dessous des genoux. Elle
le porta longtemps et ne le quitta que par obéissance. Mais aussitôt elle le remplaça par un
sac grossier, dont le poids accablant et les aspérités ne lui permettaient de
faire aucun mouvement sans ressentir dans tous ses membres un douloureux
martyre.
Elle s’était tressé une discipline de cordes très rudes
et armées de gros nœuds, et en faisait usage tous les jours, quelquefois à
plusieurs reprises. Elle se servait aussi de chaînettes de fer, et avec tant de
force que son sang jaillissait contre les murailles.
Elle se ceignit les reins d’une chaîne de fer à trois
tours, la ferma d’un cadenas et en jeta la clef dans un puits. Cette ceinture,
pénétrant dans les chairs, produisit à la longue des douleurs
intolérables, auxquelles on ne pouvait apporter de soulagement par
suite de la précaution héroïque de faire disparaître la clef du cadenas. La
prière de la douce victime fit céder l’obstacle ; un soir, la serrure s’ouvrit par
miracle et la chaîne tomba à terre.
Rose se rappela qu’à l’invitation du Sauveur, sainte Catherine de Sienne avait porté lacouronne d’épines : devenue sa sœur par le Tiers-Ordre,
elle aspirait à lui ressembler en ce point comme en tant d’autres. Après avoir
essayé d’une couronne tressée de cordes et d’épines, elle se procura une lame
d’argent qu’elle courba en cercle, munit d’un triple rang de clous très aigus,
et serra fortement autour de sa tête, la recouvrant de son voile. De temps en
temps, principalement le matin, en faisant sa toilette, elle changeait la
position de sa couronne, afin
de multiplier les plaies.
Quand parfois quelque mouvement tendait les muscles de la
tête, sa souffrance était si vive que son visage se contractait et qu’elle
perdait l’usage de la parole. Longtemps on ignora autour d’elle cette
effroyable pénitence. Mais un jour que le père de Rose, une verge à la main,
poursuivait un de ses fils pour le corriger, il heurta la jeune fille à
l’endroit de la couronne, et aussitôt trois jets de sang s’échappèrent de son
front.
Rose se retira précipitamment dans sa chambre; sa mère
l’y suivit, et demeura interdite en apercevant le sanglant bandeau. Elle en parla au confesseur de Rose, Juan de
Villalobos, recteur du collège des Jésuites, lequel se fit apporter la
couronne, qu’il avait autorisée sans l’avoir vue, et voulut dissuader sa
pénitente de porter désormais le terrible instrument. Mais celle-ci plaida si
bien sa cause, que le Père se contenta d’émousser avec une lime la pointe trop
acérée des clous, et laissa l’héroïque vierge suivre l‘inspiration de
l’Esprit Saint.
Ce n’est pas tout. Rose, remarquant un jour que dans la
répartition des pénitences ses pieds étaient épargnés, imagina de les exposer
nus à la bouche d’un four embrasé, si bien que depuis la plante des pieds
jusqu’au sommet de la tête, il ne restait rien en elle qui n’eût sa part
d’expiation.
Si la journée de Rose était ainsi remplie de
mortifications de tout genre, la nuit, elle aussi, avait son tour. Après divers essais, Rose inventa un lit plutôt de
torture que de repos. Elle plaça, sur une longue planche, des morceaux de bois
non équarris, les lia avec des cordes et remplit les intervalles de
cailloux pointus, de débris de tuile et de vaisselle. Comme oreiller, elle se servit
successivement d’une bûche, d’une pierre rugueuse, d’un sac garni de copeaux et de
fragments de jonc ou d’osier qui lui écorchaient le visage. Avant de se
coucher, Rose remplissait sa bouche d’un breuvage de fiel qu’elle tenait en
réserve dans un flacon près de son lit. Ce breuvage amer lui causait, surtout
au réveil, une inflammation du gosier accompagnée d’une soif inextinguible.
L’on aurait tort de croire que l’habitude de
la souffrance en ôtait à notre Sainte ou en diminuât même la sensation. Maintes fois la pauvre enfant ne pouvait
approcher sans frémir de sa terrible couche. Un soir, elle luttait plus
péniblement que de coutume contre la répugnance de la nature, quand Jésus-Christ lui apparut sous
une forme visible. « Souviens-toi,
ma fille, dit-il, que le lit de la croix sur lequel je m’endormis du sommeil de
la mort était plus dur, plus étroit, plus effrayant que le tien ! » Consolée par ces paroles, Rose
reprit courage, et pendant
seize années continua cette horrible macération.
Si pénible et si agité que dût être le sommeil sur une
pareille couche, encore voulait-elle vaincre cet ennemi, le plus difficile à terrasser,
de l’aveu de sainte Catherine elle-même.Sur les vingt-quatre heures de la
journée, Rose en donnait douze à la prière, dix au travail des mains et
réduisit à deux heures le temps consacré au repos et aux autres nécessités de
la vie.
Mais quelle violence il fallut faire à la nature pour
obtenir un tel résultat! L’héroïque jeune fille avait enfoncé un très gros clou
dans le mur de sa chambre, à six pieds environ de hauteur. Dès que le sommeil
la poursuivait, elle venait se pendre à ce clou par les cheveux qu’elle avait
gardés sur le devant de la tête, et lorsqu’elle sentait qu’ils allaient céder, elle appuyait la pointe des
pieds sur le plancher.
Elle passait ainsi des nuits entières, veillant et priant
avec Notre-Seigneur. En outre, elle fit faire une croix dans les bras de
laquelle étaient fixés deux clous, capables de supporter le poids de son corps. Voulait-elle prier plus
longuement la nuit? Elle
dressait cette croix contre la muraille et s’y tenait suspendue pendant son
oraison. C’est à la suite de cette pénitence qu’elle n’eut plus de combats à
soutenir contre le sommeil. L’ennemi
était vaincu par le même instrument qui a vaincu le péché.
V
— Assurément une vie de mortifications si
extraordinaires ne saurait être proposée pour modèle : les voies des élus ne
sont pas les mêmes pour tous. Néanmoins, ce spectacle, propre à épouvanter
notre faiblesse, ne doit pas nous décourager : tout en louant Dieu, toujours
admirable dans ses Saints, nous pouvons, sans viser si haut, suivre au moins la
vierge de Lima dans la pratique de vertus plus à notre portée, qu’elle savait
faire éclore sur chacune de ses douleurs.
Dans cette existence, semée de merveilles sans nombre, il
est un fait peut-être plus admirable, c’est de voir la frêle adolescente, malgré ses maladies et ses
pénitences, toujours la première au travail, toujours douce et affable,
montrant une gaieté qui faisait le charme de ses parents et de ses amis.
Prétendra-t-on qu’il n’y a rien à glaner ici?
Mais là ne se termine point le chapitre des souffrances
de notre bienheureuse Sœur. Une
âme prédestinée comme la sienne pour être, au milieu du monde, une
représentation vivante de Jésus crucifié, devait connaître tous les
genres de peines, et spécialement les peines
intérieures. « Parce que vous
étiez agréable à Dieu, disait l’archange Raphaël à Tobie, il a été nécessaire
que la tentation vous éprouvât. » II est pour les âmes justes, en effet, des
heures sombres, qui succèdent par intervalles aux merveilleuses clartés de
l’oraison, et aux jouissances sensibles de la grâce. Rose connut cette épreuve
et y montra un prodigieux courage. Un changement subit s’opérait parfois dans
son intérieur : elle se
voyait seule dans un désert, au milieu d’une nuit épaisse : tout sentiment des
choses de Dieu avait disparu. C’était
comme une espèce de mort et de déchirement, une sorte de réprobation, qui lui
faisait crier comme Jésus mourant : «
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonnée ? »
L’espace de quinze années, il ne se passa pas un jour que la jeune
vierge ne fût ainsi réduite à une mystérieuse
agonie, durant une heure et plus ;
l’habitude, loin de diminuer son tourment, ne servait qu’à en augmenter la
rigueur. Les consolations qui suivaient, « inondaient, il est vrai, son âme en
proportion de la grandeur de ses peines », mais
le lendemain, à heure fixe, le même supplice recommençait. Il fallait que
le calice fût bien amer pour que cette Sainte, si patiente et si mortifiée,
priât Dieu de le détourner de ses lèvres. Mais
incontinent, elle ajoutait : « Que votre volonté
se fasse et non pas la mienne », et
cette complète soumission lui apportait un peu de soulagement.
Ce n’était là du reste qu’un surcroît ajouté à ses peines
ordinaires : la souffrance
était l’état normal de sa vie. Dans son amour généreux pour Jésus-Christ,
remarque un historien, elle eût rougi de se voir sans croix un seul instant : le Bien-Aimé de son cœur ne le permit
pas. Rose eut à souffrir de tous les côtés à la fois : de la part de sa famille
qui, croyant à un état fiévreux, voulait l’obliger à force remèdes : de la part
même de directeurs inexpérimentés,trop prompts à rejeter sur la rêverie,
l’imagination, l’excès du jeûne ou de la fatigue, les phénomènes
extraordinaires dont elle était l’objet ; enfin les maladies ne la quittèrent
jamais complètement.
La conduite de Dieu sur cette âme d’élite impressionna
les plus fameux théologiens de l’Université de Lima, et l’on jugea utile de
soumettre la fille de saint Dominique à de longs et minutieux interrogatoires.
Elle répondit à tout sans hésitation. Avant de lever la séance, les docteurs
déclarèrent à l’unanimité : « 1° que Rose était arrivée à l’oraison d’union
par la voie la plus directe et sans avoir presque passé par la voie purgative,
le Seigneur ayant attiré son cœur à lui dès sa plus tendre enfance; 2° qu’elle avait supporté avec un courage
héroïque la plus accablante épreuve qui se puisse imaginer, et qu’elle avait
gardé dans cet état d’abandon et de désolation une soumission parfaite à la
volonté divine. »
A dater de ce moment, elle fut regardée
par les hommes de piété qui eurent occasion de la connaître comme une âme remplie de
l’Esprit de Dieu, possédant le don de sagesse et gouvernée par une science
divinement infuse. Un
jour qu’elle se trouvait à l’église de Saint-Dominique, elle pria le Frère
sacristain d’appeler son confesseur. Le Frère se rend aussitôt vers le Père de
Lorenzana, religieux de grand savoir et de haute perfection, et lui dit : « Mon Père, la petite Rose est
là, qui vous attend. — Ah ! Mon Frère, répondit le saint homme, que dites-vous? Cette Rose que vous appelez petite, l’univers
entier connaîtra un jour sa grandeur devant Dieu. »
VI
— On conçoit facilement qu’une âme dévouée à
Dieu avec tant de générosité, devait recevoir dès ici-bas des récompenses hors
de pair. Son Époux céleste
l’honorait de communications et de visions merveilleuses : elle vivait avec lui
dans la plus étonnante et la plus divine familiarité.
Sous ce rapport, la vie de sainte Rose contient des
traits ravissants qu’il faut
lire avec la simplicité des enfants de Dieu. Malgré les longues heures
qu’elle passait en oraison, la pieuse vierge ne laissait pas d’employer un
certain temps à la lecture. Or,
il arriva plusieurs fois que l’Enfant Jésus vint se poser sur le livre
entr’ouvert. Sa taille,
d’une ténuité extrême, ne dépassait guère la longueur de la main, mais ce corps
et le visage étaient d’une grâce incomparable. « Lis-moi, lui disait-il
intérieurement; lis-moi avec attention, car je suis le Verbe ou la Parole
éternelle, et si petit que tu me voies, je n’en renferme pas moins les trésors
de la sagesse et toute la science de Dieu. »
Quand Rose, occupée de son travail manuel, faisait ses
fleurs ou sa broderie, il s’asseyait sur son métier, lui souriant
doucement, tendant vers elle ses petits bras comme pour l’inviter à le
caresser. On suppose que ces
faveurs durent lui être accordées tous les jours, à partir d’une certaine
époque, car elle se plaignait amoureusement lorsque Jésus tardait à paraître. « Voici l’heure, et le Bien-Aimé ne
paraît pas, disait-elle. La
douzième heure a sonné et je suis encore privée de son aimable présence !
Venez, Seigneur, vous le savez, votre petite Rose ne peut vivre sans vous! »
Une fois elle était demeurée très tard à
sa cellule du jardin paternel. Après une longue oraison, elle fut prise d’un
vertige : le malaise, loin de passer, ne faisait que croître : Rose était comme anéantie et se sentait près
de mourir. Minuit venait de sonner; comment appeler au secours? Elle essaya cependant de sortir et de
se traîner vers la maison de ses parents, afin de prendre quelques gouttes d’un
élixir dont elle avait parfois expérimenté la puissance. Une pensée subite
traversa son esprit : « C’est dimanche aujourd’hui et je dois communier : sacrifierai-je
ce bonheur pour un soulagement corporel?
D’autre part, si je refuse à mon corps le secours qu’il
réclame, ma faiblesse ne me permettra pas d’aller à l’église! » Dans cette
perplexité, elle recourut à son divin Époux. Jésus apparut et lui dit : — « Applique tes lèvres à la plaie de mon côté
; il a été ouvert pour le salut du genre humain
; mes fidèles y trouveront toujours le réconfort dont ils ont besoin. » Et le Seigneur la fit boire non de bouche,
comme sainte Catherine de Sienne, mais de cœur, à l’ouverture qui donne entrée
à son adorable Cœur. — Une force nouvelle se répandit immédiatement dans les
membres de Rose, en même temps qu’une joie surnaturelle inondait son âme.
La Sainte aimait beaucoup les fleurs. Elle en avait partout, dans son jardin,
autour de son ermitage. Elle cultivait avec une sollicitude particulière un
basilic très beau, qu’elle se proposait de porter à l’église quand il serait en
pleine floraison. Peut-être s’y était-elle un peu trop attachée. Un matin, sans
que le fait pût s’expliquer naturellement, le basilic se trouva déraciné et
flétri. Rose se retirait tout attristée, lorsque Jésus se présenta à elle. «Eh
quoi! lui dit-il, vas-tu t’affliger pour la perte de cette plante, quand je te
reste, Moi qui suis la fleur des champs et le lis de la vallée? Tu es ma fleur, mais je veux
que dans ton cœur il n’y ait place pour nul autre que pour Moi. »
Rose comprit la leçon, et
s’appliqua si bien au détachement total et absolu, que le Seigneur pouvait
dire, un peu plus tard, à une pieuse femme de Lima qui jouissait aussi des
familiarités divines : « Je
porte ma Rose dans l’endroit le plus intime de mon cœur, parce que le sien est
tout à moi. » C’était vrai à
la lettre. Le regard du Maître s’arrêtait donc sur cette petite fleur du
parterre angélique, et bientôt un délicieux mystère d’amour allait s’accomplir
en elle.
Un dimanche des Rameaux, après la bénédiction des palmes,
les sacristains se répandirent dans l’église pour les distribuer au peuple.
Tous les assistants reçurent la leur; mais soit inattention, soit oubli, seule parmi
ses compagnes, Rose n’eut point de part à la distribution commune. Ce fut avec
grande confusion qu’elle suivit la procession les mains vides. Quand la
cérémonie eut pris fin, elle accourut se réfugier dans la chapelle du Rosaire,
et là, sous le regard de sa bonne Mère, donna libre cours à ses larmes. Puis, surmontant son chagrin : «
A Dieu ne plaise, ô ma douce Souveraine, dit-elle, que je regrette plus
longtemps une palme qui m’eût été donnée par une main mortelle ! N’êtes-vous
pas le palmier magnifique qui embellit le désert de Cadès? Vous me donnerez un
de vos rameaux et celui-là ne se flétrira pas. »
Soudain la Reine du ciel abaisse un regard joyeux sur
l’Enfant Jésus qu’elle tenait dans ses bras et le reporte ensuite sur Rose avec
une ineffable tendresse. Le divin
Enfant la regarde à son tour et prononce distinctement ces mots : « Rose de mon cœur, sois
mon épouse. » Hors
d’elle-même, Rose
s’écrie : « Je suis votre
servante, Seigneur. Oui, si vous voulez ce que je n’oserais ambitionner, je
serai à vous et vous demeurerai éternellement fidèle ! »
— « Tu vois, ma fille, ajouta Marie, le rare honneur que Jésus a daigné
te faire en te prenant pour épouse : pouvait-il mieux te
prouver la grandeur de son amour? » L’extase
de Rose se prolongea longtemps, et son âme fut gratifiée d’une plénitude de
dons célestes que la parole humaine est impuissante à décrire. A peine rentrée
dans son ermitage, Rose pria
l’un de ses frères de lui dessiner un anneau avec un emblème religieux,
sans rien lui dire de la merveille accomplie en sa faveur. Celui-ci réfléchit
quelques instants, et, saisissant un papier, y traça le dessin d’un anneau,
orné d’un brillant sur lequel il écrivit le nom de Jésus. Rose lui demanda une
petite inscription à l’intérieur du cercle : et sous le coup de la même
inspiration, le jeune homme prit .la plume et traça ces mots en exergue :Rosa
cordis mei, tu mibi sponsa esto :
« Rose
de mon cœur, sois mon épouse. » La pieuse
enfant ne fit rien paraître de sa surprise; mais on devine sa joie et sa reconnaissance
en entendant répéter et confirmer par son frère, ignorant de ce qui s’était
passé, les paroles mêmes de son divin Époux. L’anneau fut fabriqué,
l’inscription gravée, et la sainte fille le porta au doigt jusqu’à sa mort.
Dès lors, son amour ne fit plus que s’élever; les élans
de son âme, qu’elle ne pouvait plus comprimer, se traduisaient par des paroles
de feu ou par des invitations aux êtres de la création à aimer leur auteur.
« Éléments, disait-elle, eaux et terres, anges et hommes,
insectes et oiseaux, plantes fleuries, grands arbres, venez à mon aide : aimons
Dieu, aimons Dieu! »
Parfois, saisissant une harpe, bien qu’elle n’eût jamais
appris à manier cet instrument, elle en tirait de doux accords pour accompagner
la plaintive mélodie qu’elle adressait au Ciel. Et, à sa voix, les arbres, les
plantes et les fleurs s’agitaient en cadence, comme pour payer un tribut à la
louange du Créateur. Nous
avons parlé plus haut des moustiques qui hantaient l’ermitage de Rose. Le matin, notre Bienheureuse, ouvrant
la porte et la fenêtre de sa petite cellule, disait
gracieusement à ces nombreux hôtes :
« Allons, mes petits amis, chantons ensemble les
grandeurs du Tout-Puissant. » Aussitôt, comme s’ils eussent été doués
d’intelligence, guêpes, abeilles, moucherons se divisaient en deux chœurs, les
uns volaient et accompagnaient le chant de Rose du bourdonnement de leurs
ailes, tandis que les autres demeuraient immobiles et silencieux : au bout de
quelques instants, le second chœur reprenait l’accompagnement et le premier se
reposait.Cela
durait jusqu’à ce que la Sainte leur rendît la liberté. «
Allez maintenant, petites sœurs, disait-elle, allez chercher votre nourriture,
et ne manquez pas de revenir au coucher du soleil, afin que nous reprenions
notre cantique. »
Pendant le Carême de l’année 1617, le dernier qu’elle passa sur terre, un
petit oiseau vint un soir, après le coucher du soleil, chanter auprès de sa
fenêtre. La Sainte l’écouta avec attendrissement et se prit à l’aimer. Le
lendemain, le petit oiseau revint encore et à la même heure. Rose le reconnut
et l’écouta avec encore plus de bonheur que la veille. Enfin, l’oiseau fut très
exact, et elle ne manqua plus, dès lors, de se placer près de la fenêtre pour
attendre son charmant visiteur. Rose composa même un cantique pour l’inviter à
chanter : l’oiseau la suivait fort attentivement et reprenait ensuite de son
mieux. Ce naïf entretien entre les deux créatures du bon Dieu durait environ
une heure, après quoi l’oiseau s’envolait, et la Sainte un peu triste, disait alors pour se consoler
: « Mon petit
chantre m’a abandonnée : béni soit Dieu qui est toujours avec moi ! »
À SUIVRE…
Sursa :
https://myriamiralasource.wordpress.com/2016/06/08/sainte-rose-de-lima-dominicaine-stigmatisee-1586-1617-partie-23/
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