Chrétiens
en pays musulman au jour de l’Aïd el-Kébir
Comment les chrétiens peuvent-ils s’associer
à cette fête ?
La plus grande des fêtes musulmanes
Le 10ème du 12ème
mois du calendrier musulman, le mois de Dhou l-Hijja, le mois du Pèlerinage à
La Mecque, les pèlerins sacrifient un mouton, en mémoire du geste d’Abraham[1] (Coran 37,101-106). Beau geste disant la volonté
de préférer Dieu à tout attachement terrestre, y compris les liens du sang. En
communion avec les pèlerins, il est traditionnel dans beaucoup de pays
musulmans de sacrifier le même jour un animal. C’est la Grande Fête musulmane
(El-Aïd el-Kébir), la Fête du Sacrifice (Aïd el-Adha). Il y a grande prière et
sermon le matin à la mosquée, comme lors de l’autre Fête, la Petite Fête
(El-Aïd el-seghir), Fête de la rupture du Jeûne (Aïd el-Fitr) qui clôt le mois
de Ramadan.
Comment les chrétiens vivant dans un
environnement musulman peuvent-ils partager ce moment de fête avec leurs amis
musulmans ?
Par l’amitié
De même que beaucoup de musulmans
nous témoignent leur amitié en offrant
une part de la viande du mouton de l’Aïd (et parfois en offrant quelque chose à
l’occasion de la fête chrétienne de Noël), il est bon que nous nous
manifestions à l’occasion de cette fête par un « Bonne Fête ! »,
une brève visite, un coup de fil, un SMS, un petit cadeau aux enfants, voire en
participant à l’achat du mouton comme le font certains chrétiens membres d’une
famille musulmane.
Nous aussi sommes sensibles au
geste et à la foi d’Abraham
Le lectionnaire pour la célébration
des saints du calendrier liturgique d’Afrique du Nord propose une messe votive de saint Abraham que beaucoup de communautés ont l’habitude de
célébrer le Jour de l’Aïd el-Kébir. On y
trouve les lectures suivantes : Genèse 22 (la ligature d’Isaac), Galates 3
(Abraham père des croyants), le Psaume 24 ou le Psaume 104,1-9 et Jean 8,51-58
(l’espérance d’Abraham se réalise en Jésus).
Le texte de Gn 22 est lu également
dans la liturgie lors de la veillée pascale, mais aussi le 2ème
dimanche de Carême de l’année B et le jeudi de la 13ème semaine du
temps ordinaire des années impaires. On pourra se reporter aux introductions ou
aux commentaires de ce texte rédigés pour ces jours-là dans les missels.
La riche symbolique du bélier ou
du bouc, du mouton et de l’agneau nous marque aussi profondément[2] :
Agneau de la libération : Chaque année pour la Pâque
juive, Pessah, se souvenant comment Dieu avait libéré son peuple opprimé en
Egypte, chaque famille égorgeait un agneau mangé selon des rites précis. C’est
le texte d’Exode 12,3-12.
[ [1] A noter que le Coran ne
fait jamais mention d’un mouton.
2 Nous développons ici la question du point de vue
biblique, mais on pourrait en trouver de multiples illustrations dans la
littérature contemporaine, par exemple chez ces merveilleux auteurs d’Afrique
du nord que sont le Libyen Ibrahim el-Kouni ou l’Algérien Yasmina Khadra (Les
Agneaux du Seigneur, 1988), comme dans des œuvres plus lointaines, la fable
d’Esope reprise par La Fontaine (Le loup et l’agneau), etc. ]
Nous pouvons prier Dieu de libérer ceux
qui nous entourent et nous-mêmes de ce qui nous opprime, prier pour ceux qui
souffrent de toutes formes d’oppression autour de nous.
Bouc émissaire : La Bible fait mention d’un rite effectué le jour du
Grand Pardon, visant à opérer un transfert rituel du péché du peuple sur un
bouc qui sera ensuite chassé au désert, déplaçant ainsi la violence interne
d’une société à l’extérieur d’elle-même pour ramener la paix. C’est le texte de
Lévitique 16,21-22. René
Girard a bien montré comment ce rite entendait répondre à un fonctionnement
inscrit de manière archaïque dans nombre de groupes ou de sociétés, qui
choisissent plus ou moins consciemment une personne ou un groupe minoritaire
qui est accusé des malheurs ou des fautes de tous.
Nous pouvons en ce jour prier pour tous
ceux qui servent de « bouc émissaire », dans nos propres
autojustifications comme dans notre société.
Serviteur souffrant : L’agneau figure
aussi le Serviteur maltraité. Le
texte d’Isaïe 53 parle de cet homme humilié, méprisé, qui en fait
portait nos souffrances, était broyé à cause de nos propres perversités, mais
n’ouvrait pas la bouche, comme un agneau qu’on mène à l’abattoir.
Nous pouvons prier pour tous ceux qui
offrent leur vie en sacrifice par leur droiture professionnelle ou politique,
par leur lutte pour la justice, par le don d’eux-mêmes à leur famille, au soin
d’ascendants âgés ou de malades, ou de tout autre manière.
Agneau de Dieu (en latin Agnus Dei) : Dans l’évangile de Jean, le Baptiste
désigne ainsi Jésus : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du
monde » (Jn 1,19). Le même Jean reprendra cette figure de l’Agneau tout au
long du dernier livre de la Bible, l’Apocalypse. Certes, l’Agneau n’est pas ici
victime passive et contrainte (« Ma vie nul ne la prend mais c’est moi qui
la donne » Cantique C3 Dorlay), mais envoyé par le Père ; il s’offre,
prend sur lui le péché du monde, et le sauve.
« Agneau de l’Alliance fidèle,
Agneau de Dieu victorieux du péché, prend ce monde en pitié et donne-lui la
paix ! » (Cantique Rimaud-Berthier A 240-1). « Agneau glorieux,
Agneau que nous avions immolé, Agneau devenu notre berger, prends pitié de
nous, conduis-nous vers le Père ; prends pitié de nous, guide-nous dans la
paix ! » (Cantique Rimaud-Berthier D 360-1).
Il arrive que la liturgie nous
invite à prier explicitement pour les musulmans (par exemple lors des Vêpres du
jeudi IV). N’hésitons pas à le faire aussi en ce jour d’Aïd !
P.
Michel Guillaud, Vicaire Général
Constantine (Algérie)
Constantine (Algérie)
www.eglise-catholique-algerie.org
Actualité de l’Eglise d’Algérie : Vendredi, le 3 octobre 2014
Réflexion chrétienne autour de la fête
du sacrifice ( aïd al-adha ) : par le P.Michel Guillaud ( vicaire général
de Constantine ).
[1] A
noter que le Coran ne fait jamais mention d’un mouton.
[2] Nous
développons ici la question du point de vue biblique, mais on pourrait en
trouver de multiples illustrations dans la littérature contemporaine, par
exemple chez ces merveilleux auteurs d’Afrique du nord que sont le Libyen
Ibrahim el-Kouni ou l’Algérien Yasmina Khadra (Les Agneaux du Seigneur,
1988), comme dans des œuvres plus lointaines, la fable d’Esope reprise par La
Fontaine (Le loup et l’agneau), etc.
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