Curtea Europeana a Drepturilor Omului
26.09.2012
26.09.2012
Une évolution de la jurisprudence des tribunaux pour appliquer
une décision de la Cour constitutionnelle n’est pas contraire à
une bonne administration de la justice
Dans sa décision Dolca et autres c. Roumanie (requête no 59282/11, 62398/11, 63211/11, 65072/11) la Cour européenne des droits de l’homme a décidé de joindre les requêtes et les déclare, à l’unanimité, irrecevables. Cette décision est définitive.
Prenant appui sur la loi n° 21/2009, les requérants se plaignaient du caractère politique de condamnations à des peines de prison ayant frappé certains membres de leur famille entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989. Ils réclamaient à l’Etat des dommages-intérêts sur la base de l’article 5 § 1 a) de cette loi. Le 21 octobre 2010, la Cour constitutionnelle déclara cet article invalide. Tout en reconnaissant le caractère politique des condamnations qui avaient été prononcées, les tribunaux, appliquant la décision de la Cour constitutionnelle, déboutèrent les requérants de leurs demandes de dommages-intérêts.
La Cour juge que les griefs des requérants sont manifestement mal fondés.
Principaux faits
Les requérants, Nastaca Dolca, Ion Zamfirescu, Nicolae Ostrovschi, Laura Busuioceanu, sont des ressortissants roumains, nés respectivement en 1948, 1927, 1944 et 1941 et résidant à Maramureş et Bucarest (Roumanie). La Cour a décidé de joindre ces requêtes en raison de leur similarité.
Le 14 septembre 2010, Mme Dolca assigna l’Etat en justice afin de faire constater le caractère politique de la condamnation qui avait frappé son père d’une peine de 5 ans de prison prononcée le 17 mars 1950 par un tribunal militaire pour avoir milité contre le régime de l’époque. Elle s’appuyait sur l’article 5 § 1 a) de la loi n° 221/2009 sur les condamnations à caractère politique qui avaient été prononcées entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989. S’appuyant sur la même loi, elle demanda que l’Etat soit condamné à lui verser 200 000 euros (EUR) en compensation du préjudice moral subi par son père.
Le tribunal départemental fit partiellement droit à sa demande, jugeant que la condamnation de son père avait un caractère politique mais rejeta sa demande en dommages-intérêts au motif que l’article 5 § 1 a) de la loi n° 221/2009 sur lequel elle avait fondé sa demande avait été déclaré contraire à la Constitution par une décision de la Cour constitutionnelle le 21 octobre 2010.
Mme Dolca fit appel, arguant une discrimination par rapport à d’autres plaignants qui avaient eu gain de cause par des décisions intervenues avant la décision de la Cour constitutionnelle du 21 octobre 2010.
Le 1er juin 2011, la cour d’appel confirma la décision des juges de rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme Dolca. La cour d’appel précisait qu’un contrôle de constitutionnalité de la loi par la Cour constitutionnelle avait eu lieu et que ce n’était pas le pouvoir législatif qui était intervenu dans le litige en cours. Elle estima que les effets de la décision de la Cour constitutionnelle ne pouvaient pas être limités aux procédures enregistrées par les tribunaux après la publication de celle-ci au Moniteur officiel. En
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revanche, et contrairement au tribunal de première instance, la cour d’appel fit droit à la demande de Mme Dolca de remboursement des frais exposés.
Griefs, procédure et composition de la Cour
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 7 septembre 2011.
Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable), pris isolément et combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination), la requérante se plaignait du caractère inéquitable de la procédure civile qu’elle avait engagée pour réclamer des dommages-intérêts en vertu de l’article 5 § 1 a) de la loi n° 221/2009. Elle estimait que la décision du 21 octobre 2010 de la Cour constitutionnelle - ayant entraîné la suppression du fondement juridique de sa demande en dommages-intérêts -, ainsi que son application à une procédure pendante devant les tribunaux avaient porté atteinte au principe de la sécurité des rapports civils, rompu l’équilibre des parties et constituaient une intervention du pouvoir législatif dans le but d’influer sur le dénouement du litige. Mme Dolca faisait valoir qu’elle avait subi un traitement discriminatoire par rapport aux personnes se trouvant dans la même situation qu’elle et qui avaient obtenu gain de cause par une décision rendue avant que la Cour constitutionnelle n’adopte sa décision.
Invoquant l’article 1 du Protocole n° 1, Mme Dolca se plaignait d’une atteinte au droit au respect de ses biens en raison de l’application de la décision de la Cour constitutionnelle à la procédure pendante devant les tribunaux.
La décision a été rendue par une chambre de sept juges composée de :
Egbert Myjer (Pays-Bas), président,
Alvina Gyulumyan (Arménie),
Ján Šikuta (Slovaquie),
Ineta Ziemele (Lettonie),
Luis López Guerra (Espagne),
Nona Tsotsoria (Géorgie),
Kristina Pardalos (Saint-Marin), juges,
ainsi que de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section.
Décision de la Cour
Article 6 § 1
La Cour relève d’emblée que c’est à la suite d’un contrôle de constitutionnalité de la loi par la Cour constitutionnelle – organe judiciaire indépendant -, et non pas à la suite d’une intervention du pouvoir législatif, que la disposition qui constituait le fondement légal des requêtes a été invalidée. La Cour note que la suppression de l’article 5 § 1 a) de la loi n° 221/2009 qui constituait le fondement légal des demandes de dommagesintérêts est intervenue à la suite d’un mécanisme de contrôle normal dans un Etat
démocratique. L’invalidation de la disposition en question par la Cour constitutionnelle poursuivait un but d’intérêt général lié à une bonne administration de la justice.
La Cour ne voit aucune trace d’arbitraire dans l’application, par les tribunaux, à un litige pendant devant eux, de la législation pertinente dans l’état où elle se trouvait au moment où ils ont statué. Le fait que les tribunaux ont donné cours à la décision du juge constitutionnel peut en effet être perçu comme une injustice de la part des plaignants,
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mais une telle injustice est inhérente à tout changement de solution juridique qui intervient à l’issue de l’exercice d’un mécanisme de contrôle normal dans un Etat démocratique. La Cour rappelle que les exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droits acquis à une jurisprudence constante.
De plus, la Cour note que la nouvelle situation juridique résultant de la décision de la Cour constitutionnelle du 21 octobre 2010, était parfaitement connue des requérants et entièrement prévisible au moment où les juridictions ont statué sur leurs demandes d’octroi de dommages-intérêts.
La Cour estime que les requérants n’ont subi aucune entrave aux droits garantis par l’article 6, que ce soit l’accès à un tribunal, la certitude quant à l’état du droit au moment où les juridictions ont statué, ou le caractère équitable de la procédure. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être en conséquence rejeté.
Article 6 § 1 combiné avec l’article 14
La Cour note qu’un certain nombre de litiges se sont conclus, avant la décision de la Cour constitutionnelle, par des décisions définitives favorables à ceux qui, comme les requérants, avaient déposé une demande de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 5 § 1 a) de la loi n° 221/2009. La Cour estime cependant qu’aucune obligation n’incombe à l’Etat de remettre en cause les actes ou situations juridiques antérieurs au prononcé de la décision de la Cour constitutionnelle. Elle considère qu’une évolution de la jurisprudence des tribunaux pour donner suite à la décision de la Cour constitutionnelle n’est pas contraire à une bonne administration de la justice. Partant, ce grief est mal fondé doit être rejeté en conséquence.
Article 1 du Protocole n° 1
La Cour rappelle que lorsque l’intérêt patrimonial dont se prévaut un requérant est de l’ordre de la créance, il ne peut être considéré comme un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole n° 1 que lorsqu’il a une base suffisante en droit interne et si l’intéressé peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété. Selon les requérants, ces conditions se trouvaient en l’occurrence réunies.
La Cour relève cependant que les intéressés ne peuvent se prévaloir d’aucune décision définitive rendue par une autorité compétente reconnaissant que les conditions légales pour obtenir les dommages-intérêts en vertu de la loi en question étaient réunies. Il ressort en effet que les demandes en justice des requérants ont été rejetées en première instance et en appel. Dès lors, les intéressés ne possédaient pas une créance
suffisamment établie pour être exigible et dont ils pouvaient valablement se prévaloir à l’encontre de l’Etat.
De plus, l’application par les juridictions internes de la législation pertinente dans l’état où elle se trouvait au moment où elles ont statué était entièrement prévisible et n’était pas entachée d’arbitraire. Dès lors, les requérants ne pouvaient pas avoir l’espérance légitime que leur demande en justice serait traitée en fonction de l’état du droit à un moment passé. Ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit par conséquent être rejeté.
La décision n’existe qu’en français.
Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les décisions et arrêts rendus par la Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci,
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peuvent être obtenus sur www.echr.coe.int. Pour s’abonner aux communiqués de presse de la Cour, merci de s’inscrire ici :
La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les États membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
Sursa :
http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng-press/pages/search.aspx?i=003-4093987-4804017#
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